Sommaire
Une exposition active et passive qui concerne de nombreux professionnels
Une situation identifiée partout dans le monde
Le nombre de travailleurs exerçant le métier de soudeur est estimé à 11 millions à travers le monde et environ 110 millions de personnes supplémentaires sont probablement exposés aux activités liées au soudage. (Guha et coll., 2017 ; IARC, 2018)
En France, selon l’enquête SUMER 2017 conduite par le ministère du travail (Matinet et coll., 2020), 528 000 salariés, soit 2,1% des salariés français, sont exposés aux fumées de soudage d’éléments métalliques. L’exposition à ces risques ne concerne pas seulement les soudeurs mais aussi de nombreux travailleurs qui peuvent être exposés à ces fumées tout au long de leur carrière, dans les secteurs de la construction, l’installation et la réparation de machines et d’équipements, la réparation de véhicules ou encore la métallurgie. (ANSES, 2022)
Des fumées de soudage cancérogènes dont la composition dépend de nombreux paramètres
Une polyexposition à des substances toxiques pour l’organisme
Le soudage implique plusieurs procédés tels que le soudage au gaz (oxygaz), à l’arc (électrique) ou par résistance et l’utilisation de divers matériaux (acier doux, inoxydable …). Le procédé, le matériel de soudage, la ventilation, le degré de confinement et l’utilisation de protection individuelle sont des facteurs déterminants pour l’exposition. Le soudage peut entraîner l’exposition des opérateurs aux fumées, gaz, radiations (rayonnement ultra-violet (UV) et champs électromagnétiques) et à une co-exposition à l’amiante et aux solvants.(ANSES, 2022 ; IARC, 2018 ; INRS, 2017a ; INRS, 2018)
La composition et la quantité de fumées émises varient selon de nombreux paramètres, notamment la composition des pièces à souder, des produits d’apport pour souder, des types de procédés mis en œuvre, de la température de fusion du métal d’apport … Les fumées de soudage sont produites lorsque les métaux, chauffés au-delà de leur point de fusion se vaporisent (phase gazeuse) et se condensent en fines particules (majoritairement <1 µm; phase particulaire) pouvant contenir des particules métalliques cancérogènes.(IARC, 2018 ; ANSES, 2022)
Le rapport (ANSES, 20022) nous alerte aussi sur le fait que des procédés connexes au soudage tels que le brasage fort, le gougeage, l’oxycoupage, la projection thermique et le rechargement, émettent également des fumées dont la composition est similaire à celles issues des procédés de soudage.

Brasage de composants électroniques
Les fumées de soudage peuvent être à l’origine d’intoxications entraînant la survenue de pathologies aigües ou chroniques. (INRS, 2017b). Parmi les principaux polluants contenus dans les fumées, on peut citer :
- Chrome VI, nickel, aldéhyde formique, cobalt ou béryllium : potentialité cancérogène ;
- Cobalt et béryllium : fibrose pulmonaire ;
- Aluminium, antimoine, baryum, béryllium, chrome, cuivre, fluorures, magnésium, manganèse, molybdène, nickel, plomb, titane, vanadium, zinc et zirconium : irritants, toxiques ou allergisants ;
- Aluminium, silice amorphe, titane, fer ou étain : surcharge pulmonaire ;
- Monoxyde de carbone, monoxyde d’azote, cyanure d’hydrogène : toxiques ;
- Ozone, dioxyde d’azote, aldéhyde formique et phosgène : irritants.
Un caractère cancérogène avéré
Suite aux travaux de (Guha et coll., 2017) le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) (International Agency for Research on Cancer IARC) a classé les fumées de soudage en tant que « cancérogène pour l’Homme » (groupe 1) sur la base de preuves suffisantes chez l’Homme pour les cancers du poumon et de preuve limitées pour le cancer du rein. (IARC, 2018)
Des études plus récentes permettent aujourd’hui de conclure que l’inhalation de ces fumées contenant des particules métalliques peut provoquer des cancers broncho-pulmonaires et du larynx et ont apporté des preuves limitées pour les cancers de la cavité buccale et naso-sinusiens. (ANSES, 2022)
Prévenir les cancers professionnels par la protection, la sensibilisation et l’inscription dans la liste des substances, mélanges et procédés cancérogènes
Pour prévenir ces risques de cancer, l’ANSES souligne l’importance de la sensibilisation et de la protection des professionnels exposés de façon directe ou indirecte aux fumées cancérogènes mais aussi aux radiations UV et aux solvants utilisés.
L’ANSES recommande donc :
- d’inclure les travaux exposant aux fumées de soudage et aux fumées métalliques de procédés connexes à l’arrêté fixant la liste des substances, mélanges et procédés cancérogènes au sens du Code du travail.
- de former et sensibiliser les employeurs et les salariés à l’utilisation des procédés les plus adaptés et les moins émissifs selon les opérations de soudage à effectuer.
- De capter les fumées à la source et surveiller les expositions sont également des actions à mettre en place.
- Au-delà de l’exposition aux fumées émises, d’assurer la protection des travailleurs exposés aux radiations UV classées « cancérogènes pour l’Homme » (groupe 1) par le CIRC (IARC, 2018).
Avec cette recommandation, en plus des travailleurs exposés aux fumées de soudage, nous proposons également d’inclure les travailleurs exposés aux fumées métalliques de procédés connexes dont la composition en agents cancérogènes s’avère similaire à celle des fumées de soudage. Cette recommandation permet également d’inclure les professionnels dont la soudure n’est pas l’activité principale ainsi que les travailleurs exposés de façon passive, de par leur présence à proximité de personnes effectuant des opérations de soudage »
Dominique Brunet, Cheffe de l’unité de l’évaluation des valeurs de référence et des risques des substances chimiques à l’ANSES
Poursuivre les études et s’engager dès à présent pour mieux protéger les travailleurs
L’ANSES recommande d’adopter une approche globale allant au-delà des cancers broncho-pulmonaires et du larynx et pointe la nécessité d’acquérir davantage de données sur les différents risques de cancers pouvant être associés à ces procédés de soudage et pour lesquels les preuves sont aujourd’hui limitées ou non concluantes.
Fort de ces résultats, il importe aux entreprises d’engager dès à présent une analyse des situations de travail de soudage pour les évaluer les risques et mettre en place des actions de prévention en respectant la hiérarchie des 9 principes généraux de prévention (suppression, substitution, captation à la source …) et de ne pas attendre une inscription officielle à la liste des substances, mélanges et procédés cancérogènes au sens du Code du travail. Le contrôle des risques liés au soudage consiste à être formé et habilité pour le travail à réaliser, éviter les blessures aux yeux, à protéger les voies respiratoires, à ventiler la zone de travail, à porter des vêtements de protection et à utiliser un équipement sûr et des consommables adaptés.

Soudeur contraint à adopter une posture pénible durant une opération de soudage
Il ne faut pas non plus oublier tous les autres risques (électrocution, brûlure, projection, explosion …) propres aux procédés employés et sources de chaleur (acétylène, hydrogène dans l’air ou l’oxygène; arc électrique; four électrique, gaz ou fioul …) qui nécessitent des procédures de sécurité et des formation adaptées ; sans compter les problématiques d’ordre « ergonomique » liés à des postes de travail inadaptés au travail à réaliser et qui forcent les opérateurs à adopter des postures contraignantes, à la masse des équipements / pièces à soutenir … éventuellement associés à des pressions temporelles qui peuvent être à l’origine de troubles musculosquelettiques.
Le Cabinet FrugAgile Consulting peut vous aider dans ces démarches. Contactez-nous.
Ressources
Etudes et guides
- ANSES. (2022a). Travaux exposant aux fumées de soudage à inscrire à la liste des substances, mélanges et procédés cancérogènes (Valeurs sanitaires de référence) [Avis de l’Anses Rapport d’expertise collective]. ANSES. https://bit.ly/3sr7UGz
- ANSES. (2022b). Reconnaître le caractère cancérogène des travaux exposant aux fumées de soudage [Communiqué de Presse]. Anses – Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail. https://bit.ly/3wGo0Of
- Arrêté du 3 mai 2021 modifiant l’arrêté du 26 octobre 2020 fixant la liste des substances, mélanges et procédés cancérogènes au sens du code du travail, Code du Travail (2021). https://bit.ly/38oeOpt
- Cancer-environnement.fr. (2017). Cancérogénicité du soudage, du trioxyde de molybdène et de l’oxyde d’indium-étain [Page Web]. Cancer Environnement. https://bit.ly/3wp4nK6
- Guha, N., Loomis, D., Guyton, K. Z., Grosse, Y., El Ghissassi, F., Bouvard, V., Benbrahim-Tallaa, L., Vilahur, N., Muller, K., & Straif, K. (2017). Carcinogenicity of welding, molybdenum trioxide, and indium tin oxide. The Lancet Oncology, 18(5), 581‑582. https://doi.org/10.1016/S1470-2045(17)30255-3
- IARC Working Group on the Evaluation of Carcinogenic Risks to Humans. (2018). Welding, Molybdenum Trioxide, and Indium Tin Oxide (Vol. 118). International Agency for Research on Cancer (IARC). https://bit.ly/37C6emv
- INRS. (2017a). Soudage de métaux [Fiche métier]. INRS. https://bit.ly/3yACu4O
- INRS. (2017b). Fumées de soudage. [Dossier Web]. INRS. https://bit.ly/3Meyafd
- INRS. (2018). Les fumées de soudage et des techniques connexes (Brochure ED 6132). INRS. https://bit.ly/3PjE94l
- Matinet, B., Rosankis, É., & Léonard, M. (2020). Les expositions aux risques professionnels – Les produits chimiques (Synthèse – Stat’ No 32). DARES. https://bit.ly/3l2Hrv3
Sur le site FrugAgile Consulting :
- Repères | Procédés de soudage et risques pour la santé des opérateurs
- Articles sur les risques liés au soudage
Crédit photos : Rob Lambert – Tlapicka – Syd Mills