Dans un lieu de travail bien conçu, les opérateurs peuvent avoir une meilleure productivité avec moins d’efforts et moins de risques pour leur santé et leur sécurité. Une bonne conception ne coûte souvent pas plus cher qu’une mauvaise ; mais pour être efficace, elle nécessite une bonne organisation et une étude minutieuse impliquant les opérateurs. (Scott et al., 2010).
« La prise en compte des données relatives à l’homme ne peut être un supplément d’âme tardif, elle se joue dès les premières phases d’un projet architectural ou industriel »
(Daniellou et Naël, 1995)
Sommaire
Intégrer la démarche ergonomique et la prévention en amont du projet
C’est favoriser la réussite à court et à long terme du projet entrepris.
Pour cela il est nécessaire de :
- Reconnaître le poids équivalent et l’interdépendance des quatre dimensions (technique, économique, humaine et sociale) qui sous-tendent les projets de conception des situations de travail (Grosjean et Neboit, 2000) ;
- Placer le plus tôt possible les dimensions humaines et sociales au cœur du projet, rapprocher le travail de sa réalité et faire se rencontrer des logiques et des valeurs différentes de toutes les parties prenantes (Labille et Maline, 1997).
Les écarts de représentations dans les projets : le cas d’un avion
Sinon, c’est prendre le risque de l’échec
Trop souvent, malheureusement, les dimensions humaines et sociales sont négligées ou absentes du projet, au mieux envisagées tardivement dans la précipitation et uniquement au filtre des données économiques et techniques. Inévitablement, ces pratiques aboutissent aux mêmes résultats : retard ou échec du projet, conséquences désastreuses sur l’efficacité du nouveau système et sur la santé des travailleurs, qui elle-même entraînera des coûts supplémentaires pour l’entreprise (remplacement, perte d’activité …).
« L’expérience montre qu’en l’absence de prise en compte de la prévention dès ces premières phases, la mise en service de nouvelles installations ou de nouvelles situations de travail peut générer des risques et des problèmes de santé pour les opérateurs et que des travaux de correction coûteux devront ensuite être réalisés pour les réduire ».
(Cazeau et al., 1999)
Écueils d’une conduite de projet sans prise en compte du travail réel
Les études conduites par les ergonomes sur près de 30 ans sur la conduite de projets industriels (Daniellou, 1987; Daniellou et Naël, 1995), architecturaux (Martin, 2000, 2004, 2012), de conception ou organisationnels (Barcellini et al., 2013) ont mis en évidence des traits communs aux échecs.
Les symptômes récurrents des nombreux projets d’investissement ou de réorganisation qui produisent des résultats décevants ou se soldent pas de cuisants échecs sont :
- Des retards au démarrage et un dépassement du budget initial dû aux mises au point effectuées a posteriori ;
- Un périmètre fonctionnel et/ou organisationnel amputé pour limiter les dérives (budget, délais, ressources humaines mobilisées …) ;
- Des difficultés de maîtrise du nouveau système (local, équipement ou organisation) par les opérateurs ;
- Un allongement des délais pour atteindre les objectifs de fonctionnement nominal en quantité et en qualité ;
- Un taux de fonctionnement insuffisant ;
- Des accidents, parfois graves.
L’analyse de ces dysfonctionnements met souvent en évidence une double défaillance dans la conduite de projet :
- Une structure de projet inadaptée, caractérisée par :
- Un manque de clarté dans la définition des objectifs du projet ;
- La faiblesse du pilotage politique du projet (maîtrise d’ouvrage) au profit des concepteurs (maîtrise d’œuvre) ;
- Un portage du projet orienté uniquement vers les dimensions techniques ;
- La présence insuffisante dans le projet de responsables d’exploitation ;
- La sous-estimation des facteurs humains (caractéristiques des opérateurs, encadrement), techniques (complexité de la mise en œuvre et du passage à l’échelle), organisationnels (rôle et importance du collectif, modes opératoires inadaptés) et des besoins en formation (évolution des compétences, changement de métiers) ;
- L’absence d’interactions régulières entre maîtrise d’ouvrage (volonté et objectifs à atteindre, problèmes à résoudre) et la maîtrise d’œuvre (recherche de solutions) ;
- L’information / consultation tardive et partielle des Instances Représentatives du Personnel (IRP) ;
- La découverte très tardive du projet par les opérateurs (yc parfois aussi, l’encadrement de proximité) concernés par la mise en œuvre du nouveau système.
Le déficit de développement des activités dans une conduite de projet sans prise en compte du travail réel (Barcellini et al., 2013)
- L’insuffisante prise en compte du travail humain dans les décisions de conception.
- Une inadéquation du dispositif prescrit : le nouveau système (outils, espaces de travail, règles d’organisation…) ne prend pas suffisamment en compte des logiques structurantes de l’activité et de ses variabilités. Cela conduit à la conception d’automatismes trop simples inadaptés aux situations imprévues et génère des régulations coûteuses pour les opératrices et les opérateurs.
- Le manque d’anticipation des transformations de l’activité induites par le projet lors des réflexion sur les évolutions à venir :
- Une projection des situations de travail futures faite à partir des procédures prescrites (souvent antérieures au changement), basée sur l’hypothèse que leur simple exécution et reproduction suffira, et l’ignorance des contraintes et marges de manœuvre nécessaires aux opérateurs (yc encadrement de proximité) pour réaliser l’activité de travail (antérieure et future).
- La négligence des conséquences des choix techniques et organisationnels sur la santé des personnels et sur la qualité de la production des produits / services.
- Un déficit de développement des activités utiles au fonctionnement du nouveau dispositif lors de sa mise en œuvre, générateur de tensions pour les opérateurs et l’encadrement, faute de « retour d’expérience » et d’adéquation du nouveau système aux logiques structurantes de l’activité.
En savoir plus
- Quelques exemples de ratés dans les projets architecturaux
- Quelques exemples d’aspects trop souvent négligés lors de la conception de locaux professionnels
Ergonomie
Prévention
- Principales obligations réglementaires en Santé et Sécurité du Travail (SST)
- Pourquoi investir dans la prévention des risques professionnels ?
- Prévention des risques professionnels : un investissement rentable ;
- Prévention des risques professionnels : retours d’expérience et bénéfices économiques, sociaux et environnementaux ;
- Pourquoi intégrer la prévention et la démarche ergonomique en amont du projet ?
- Que faire quand l’amélioration continue et les résultats en SST ne progressent plus ?
- Pourquoi faire appel à un Intervenant en Prévention des Risques Professionnels (IPRP) ?
- Prévention des Troubles Musculo-squelettiques (TMS)
- Prévention des Risques Psycho-Sociaux (RPS) et du Stress
Ressources
- Barcellini, F., Van Belleghem, L., & Daniellou, F. (2013). Les projets de conception comme opportunité de développement des activités. In P. Falzon, Ergonomie constructive (p. 191‑206). Presses Universitaires de France (PUF). https://doi.org/10.3917/puf.falzo.2013.01.0191
- Cazeau, G., Mignot, G., Neboit, M., Penel, P., Rocher, M., & Schneider, R. (1999). Approche méthodologique en conception des situations de travail : Des repères méthodologiques pour l’intégration de la prévention dans les projets de conception des situations de travail. [Document de travail du sous-groupe CRAM/INRS]. INRS.
- Daniellou, F. (1987). Les modalités d’une ergonomie de conception, son introduction dans la conduite des projets industriels (Note Documentaire ND 1647-129-87). INRS.
- Daniellou, F., & Naël, M. (1995). Ergonomie. Les techniques de l’ingénieur, 1(T3 100). https://bit.ly/2Yqm52X
- Grosjean, J. C. (1999). Utilisation de l’ergonomie pour construire la prévention dès la conception des situations de travail (Note Scientifique et Technique No 183). INRS. https://bit.ly/308uLfj
- Grosjean, J. C., & Neboit, M. (2000). Ergonomie et prévention en conception des situations de travail (Cahiers de notes documentaires Nᵒ 179 ; Hygiène et sécurité du travail, p. 30‑48). INRS. https://bit.ly/330FTbP
- Labille, B., & Maline, J. (1997). Une articulation ergonomie-management à construire. Actes du 32e Congrès de la SELF. 32e Congrès de la Société d’Ergonomie de Langue Française (SELF), Lyon.
- Martin, C. (2000). Maîtrise d’ouvrage, maîtrise d’œuvre, construire un vrai dialogue. La contribution de l’ergonome à la conduite de projet architectural. (1ere édition). Octarès éditions.
- Martin, C. (2004). L’ergonome dans les projets architecturaux. In P. Falzon, Ergonomie (1ère édition, p. 421‑435). Presses Universitaires de France. https://doi.org/10.3917/puf.falzo.2004.01.0421
- Martin, C. (2012). Maîtrise d’ouvrage, maîtrise d’œuvre : Construire un vrai dialogue la contribution de l’ergonome à la conduite de projet architectural (2e éd. annotée). Octarès Editions.
- Scott, P., Kogi, K., & McPhee, B. (2010). Ergonomics guidelines for occupational health practice in industrially developing countries. IEA, ICOH. https://bit.ly/3F0D0ZN
Autres ressources bibliographiques
- Ressources bibliographiques sur l’ergonomie et les facteurs humains, la psychologie du travail et des organisations
- Ressources bibliographiques en ergonomie & projet architectural
- Ressources bibliographiques en SST, ergonomie et psychologie du travail sur le secteur de la gestion des déchets
- Ressources bibliographiques sur les Troubles Musculosquelettiques (TMS)
- Ressources bibliographique en prévention des risques pour la santé mentale au travail : RPS, stress, burn-out …
- Webographie : sélection de sites et revues de référence en santé et sécurité au travail