Sommaire
Une grande famille de composés chimiques utilisés dans de nombreux domaines
Les substances per- et polyfluoroalkylés, plus connues sous le nom de PFAS, sont une grande famille de plus de 4000 composés chimiques (C&EN, 2022) utilisés depuis les années 1950 pour leur propriétés (antiadhésives, imperméabilisantes, résistantes aux fortes chaleurs).
Les PFAS contiennent tous des liaisons carbone-fluor très stables. Ils varient selon la longueur de leur chaîne carbonée. Ces liaisons chimiques stables en font des composés chimiques très peu dégradables une fois dans l’environnement, une propriété à l’origine de leur surnom de « produits chimiques éternels » (« forever chemicals »). Les sous-familles les plus connues des PFAS sont le PFOA (acide perfluorooctanoïque) et le PFOS (sulfonate de perfluorooctane), cette dernière étant parmi les plus persistantes dans l’environnement. (ANSES, 2022)
Nombre des produits de remplacement des PFOA et PFOS sont considérés comme de nouveaux polluants persistants, dont certains semblent moins bioaccumulables que les PFOA et PFOS. Ils rejoignent les sous-produits de fabrication et les produits de dégradation environnementale dans les écosystèmes. (C&EN, 2022)
Contamination par les PFAS
Les PFAS contribuent à une contamination de l’environnement et de tous les milieux (eau, air, sol, sédiments) et des populations à travers l’alimentation ou l’eau consommée.
La multiplication des usages dans divers domaines industriels et dans de nombreux produits de consommation courante (textiles, emballages alimentaires, mousses anti-incendie, revêtements antiadhésifs, cosmétiques, produits phytosanitaires …) sont à l’origine d’une exposition des populations humaines aux PFAS dans l’environnement intérieur, parfois sur le lieu de travail, à travers l’alimentation ou encore via l’eau potable que nous consommons. Même si tous les rejets de PFAS cessaient demain, ils continueraient d’être présents dans l’environnement, et chez les humains, pour les générations à venir.
Les aliments, en particulier les produits de la mer, constituent des sources importantes d’exposition de l’Homme à ces composés. Les concentrations les plus élevées de PFOA et PFOS sont en effet, retrouvées dans les crustacés et les mollusques. L’eau destinée à la consommation humaine (EDCH) peut également être une source de contamination. (ANSES, 2022 ; EFSA, 2020 ; EFSA CONTAM Panel, 2020)
Toxicité des PFAS et effets sur la santé
Les PFAS sont notamment dans le collimateur de plusieurs organismes de protection de la santé (EFSA, 2020 ; ANSES, 2022) et prévention des risques chimiques (ECHA, 2022a, 2022b) en raison de leurs effets sur la santé et leurs multiples formes de toxicité. De nombreuses recherches scientifiques, tels que (ATSDR, 2021 ; EFSA, 2020 ; EFSA et al., 2020) ont établi des liens entre les expositions aux PFAS (substances per- et polyfluoroalkyles) et un large éventail de problèmes de santé, notamment ils peuvent :
- Provoquer une augmentation du taux de cholestérol, de l’hypertension
- Entraîner des cancers (testicule, hépatique et reins) et des lésions hépatiques,
- Affecter la fertilité et le développement du fœtus.
- Ils sont également suspectés d’interférer avec le système endocrinien (thyroïde) et immunitaire. Cet effet des PFAS sur le système immunitaire a récemment été mis en exergue par l’EFSA qui considère que la diminution de la réponse du système immunitaire à la vaccination constitue l’effet le plus critique pour la santé humaine. (EFSA, 2020 ; EFSA CONTAM Panel, 2020)
Protection de l’eau et de l’alimentation humaine
Les PFAS et l’eau potable
La Directive (UE) 2020/2184 refonte de la directive sur l’eau potable est entrée en vigueur le 12 janvier 2021 et prévoit une limite de 0,5 µg/l pour tous les PFAS. (Cf. JOUE L 435 p38)
Les PFAS et les aliments
Comme c’est souvent le cas avec les polluants persistants, les PFAS se retrouvent dans les aliments. Les principaux contributeurs à l’exposition alimentaire humaine sont certains légumes et l’eau potable. Certains PFAS s’accumulent également dans le corps humain par le biais des poissons et fruits de mer, de la viande et des produits carnés, des œufs, du lait et des produits laitiers. (ECHA, 2022a)
En septembre 2020, l’Autorité Européenne de Sécurité des Aliments (EFSA) a fixé un nouveau seuil de sécurité pour les principales substances perfluoroalkyles qui s’accumulent dans l’organisme : acide perfluorooctanoïque (PFOA), sulfonate de perfluorooctane (PFOS), acide perfluorononanoïque (PFNA), acide perfluorohexane sulfonique (PFHxS). La définition de ce seuil – une dose hebdomadaire tolérable (DHT) de groupe de 4,4 nanogrammes par kilogramme de poids corporel – fait partie intégrante d’un avis scientifique sur les risques pour la santé humaine résultant de la présence de PFAS dans les aliments. (EFSA, 2020b ; EFSA CONTAM Panel, 2020)
Protection des travailleurs et de l’environnement
Une exposition humaine aux PFAS extrêmement répandue
Comme le rapporte (ILO, 2021) l’exposition humaine aux PFAS est extrêmement répandue. L’enquête nationale américaine sur la santé et la nutrition (NHANES) a ainsi fait état de concentrations détectables de PFAS dans le sérum sanguin de pratiquement tous les individus aux États-Unis (97%).
L’exposition aux PFAS peut se produire dans une grande variété de milieux professionnels :
- Industries chimiques ;
- Alimentation, boissons, tabac ;
- Textiles, vêtements, cuir, chaussures ;
- Construction ;
- Électronique ;
- Fabrication ;
- Aérospatiale ;
- Automobile ;
- Services d’urgence (pompier).
Des niveaux particulièrement élevés ont été souvent constatés chez les travailleurs des industries chimiques en particulier parmi les travailleurs impliqués dans la fabrication des PFAS.
De même, plusieurs études ont, par ailleurs, montré que les pompiers (quel que soit leur genre) ont des niveaux sanguins de PFAS plus élevés que la population générale en raison de l’exposition à la mousse d’extinction contenant des PFAS, ainsi que des équipements de protection traités aux PFAS.
Comment les PFAS sont-ils réglementés au niveau mondial et dans l’UE ?
Source : (ECHA, 2022a)
Les PFAS réglementés au niveau mondial
- Depuis 2009, l’acide perfluorooctane sulfonique et ses dérivés (PFOS) sont inclus dans la convention internationale de Stockholm visant à éliminer leur utilisation. Les PFOS font déjà l’objet de restrictions dans l’UE depuis plus de 10 ans, en vertu du règlement de l’UE sur les polluants organiques persistants (POP).
- La Convention de Stockholm réglemente l’élimination mondiale de l’acide perfluorooctanoïque (PFOA), de ses sels et des composés apparentés au PFOA. Le PFOA est interdit en vertu du règlement sur les POP depuis le 4 juillet 2020.
- L’acide perfluorohexane sulfonique (PFHxS), ses sels et les composés apparentés ainsi que les acides carboxyliques perfluorés (APFC en C9-14) sont en cours d’examen pour être inclus dans la Convention de Stockholm et être ainsi éliminés au niveau mondial.
Restrictions des PFAS dans le cadre de REACH
- Les acides carboxyliques perfluorés (APFC en C9-14), leurs sels et leurs précurseurs seront soumis à des restrictions dans l’UE/EEE à partir de février 2023, suite à une décision prise par la Commission européenne sur une proposition des autorités allemandes et suédoises.
- La Norvège a proposé une restriction sur l’acide perfluorohexane-1-sulfonique (PFHxS), ses sels et les substances connexes. Les comités scientifiques de l’ECHA ont rendu un avis favorable à la restriction en juin 2020 et la proposition est actuellement soumise à la Commission européenne pour une prise de décision en collaboration avec les pays de l’UE.
- L’Allemagne a proposé une nouvelle restriction pour l’acide undécafluorohexanoïque (PFHxA), ses sels et les substances apparentées. Cette proposition a également été soutenue par les comités scientifiques de l’ECHA en décembre 2021. La Commission européenne et les pays de l’UE n’ont pas encore statué sur la restriction.
Substances extrêmement préoccupantes dans le cadre de REACH
Un certain nombre d’autres PFAS figurent sur la liste candidate REACH des substances extrêmement préoccupantes (SVHC). En juin 2019 et janvier 2020, deux groupes de PFAS ont été identifiés comme des SVHC :
- L’acide 2,3,3,3-tétrafluoro-2-(heptafluoropropoxy)propionique, ses sels et ses halogénures d’acyle (HFPO-DA), un PFAS à chaîne courte remplaçant l’APFO dans la production de fluoropolymères, a été la première substance ajoutée à la liste des substances candidates. Son sel d’ammonium est communément appelé GenX.
- L’acide perfluorobutane sulfonique (PFBS) et ses sels, un substitut du PFOS.
Cette identification SVHC a permis d’identifier ces PFAS comme étant de préoccupation équivalente aux carcinogènes, mutagènes et reprotoxiques (CMR) et aux produits chimiques persistants, bioaccumulables et toxiques/très persistants et très bioaccumulables (PBTs/vPvBs).
Évaluation des substances dans le cadre de REACH
Plusieurs autres PFAS figurent sur la liste des substances à évaluer (plan d’action continu communautaire) au cours des prochaines années ou ont déjà été évaluées. L’évaluation vise à clarifier les préoccupations initiales sur le risque potentiel pour la santé humaine ou l’environnement que la fabrication ou l’utilisation de ces substances pourrait poser.
Règlement relatif à la classification, à l’étiquetage et à l’emballage (CLP)
Quelques PFAS font déjà l’objet d’une classification et d’un étiquetage harmonisés dans le cadre du règlement CLP. Il s’agit notamment de :
- l’acide perfluorooctanoïque (PFOA) ;
- le pentadécafluorooctanoate d’ammonium (APFO) ;
- l’acide perfluorononan-1-oïque (PFNA) et ses sels de sodium et d’ammonium ;
- l’acide nonadécafluorodécanoïque (PFDA) et ses sels de sodium et d’ammonium.
Le RAC a émis des avis sur la classification et l’étiquetage harmonisés de l‘acide perfluoroheptanoïque (PFHpA) et du 3,3,4,4,5,5,6,6,7,7,8,8,8-tridecafluorooctan-1-ol (6:2 FTOH). Ces avis sont actuellement à la Commission européenne pour une prise de décision avec les pays de l’UE en vue de leur inclusion dans le règlement CLP.
Évaluation des groupes de PFAS
Un groupe de coordination informel composé de plusieurs États membres de l’UE, de l’ECHA et de la Commission européenne a, depuis 2014, passé au crible les données sur les PFAS contenues dans la base de données des enregistrements de l’ECHA qui contient des informations sur plusieurs milliers de PFAS individuels présents sur le marché de l’UE appartenant à une variété de sous-groupes.
Les travaux entrepris n’ont pu couvrir que les groupes de PFAS les plus urgents en raison du très grand nombre de PFAS. Fort de cette expérience, il est apparu qu’il serait trop long d’évaluer et, le cas échéant, de gérer les risques sous-groupe par sous-groupe. C’est pourquoi l’ECHA préconise une approche holistique par groupe de l’évaluation réglementaire et de la gestion des risques doit être explorée.
La stratégie de l’UE en matière de produits chimiques pour le développement durable place la politique relative aux PFAS parmi ses priorités. La Commission européenne s’engage à éliminer progressivement tous les PFAS, en autorisant leur utilisation uniquement lorsqu’il est prouvé qu’ils sont irremplaçables et essentiels pour la société.
Nouvelles propositions d’interdiction des PFAS dans le cadre professionnel
Interdiction des PFAS dans les mousses anti-incendie
Faisant suite à une demande de la Commission Européenne, une étude (Wood, Ramboll, & COWI, 2020) a été diligentée par l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) sur les risques environnementaux et sanitaires posés par l’utilisation des PFAS dans les mousses anti-incendie et les solutions existantes.
L’ECHA a conclu qu’une restriction à l’échelle de l’UE était justifiée car les risques posés par les PFAS ne sont actuellement pas contrôlés de manière adéquate et les rejets doivent être minimisés. L’ECHA a présenté le 23 février 2022 une proposition de restriction à l’échelle européenne de toutes les substances per- et polyfluoroalkyles (PFAS) dans les mousses anti-incendie. Cette restriction vise à prévenir toute nouvelle contamination des eaux souterraines et des sols ainsi que les risques sanitaires pour les personnes et l’environnement. (ECHA, 2022b). La consultation sur cette proposition de restriction a débuté le 23 mars 2022 et se terminera le 23 septembre 2022. (ECHA, 2022b). Un webinaire qui s’est tenu le 5 avril en a donné le détail. (Simpson et coll., 2022).
De façon similaire, (Stohler, 2022) met en exergue que les PFAS contenus dans la mousse ont contaminé l’eau potable de millions de personnes aux USA et conduit les pompiers à un risque accru d’exposition à des produits chimiques toxiques pouvant provoquer des cancers et des maladies chroniques. Un projet de loi (PFAS Firefighter Protection Act) a été présenté le 25 avril 2022 aux USA qui vise à interdire la fabrication, l’importation et la vente de toutes les mousses de lutte contre l’incendie qui contiennent des PFAS pour une utilisation dans la formation et la lutte contre l’incendie dans les deux ans suivant la promulgation. Elle interdirait également l’utilisation de mousses PFAS dans les aéroports des USA d’ici octobre 2024.
Vers une extension de l’interdiction des PFAS ?
Cinq pays européens (Pays-Bas, Allemagne, Danemark, Suède et Norvège) travaillent sur une proposition de restriction qui couvrirait tous les PFAS dans d’autres utilisations que les mousses anti-incendie. Ils prévoient de soumettre leur proposition à l’ECHA en janvier 2023. (ECHA, 2022a, 2022b ; RIVM, 2021)
Ressources
- ANSES. (2022). PFAS : Des substances chimiques dans le collimateur [Dossier Web]. Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES). https://bit.ly/3laAxnF
- ATSDR. (2021). Toxicological Profile for Perfluoroalkyls. Agency for Toxic Substances and Disease Registry (ATSDR). https://bit.ly/3NhsQI6
- C&EN. (2022). A guide to the PFAS found in our environment [Page Web]. Chemical & Engineering News. https://bit.ly/3wxyxLi
- ECHA. (2022a). Perfluoroalkyl chemicals (PFAS) [Dossier Web]. European Chemicals Agency (ECHA). https://bit.ly/3yCT2ZF
- ECHA. (2022b). Proposal to ban ‘forever chemicals’ in firefighting foams throughout the EU [Communiqué de Presse]. European Chemicals Agency (ECHA). https://bit.ly/3Ln9L5Y
- EFSA CONTAM Panel, Schrenk, D., Bignami, M., Bodin, L., Chipman, J. K., del Mazo, J., Grasl‐Kraupp, B., Hogstrand, C., Hoogenboom, L. (Ron), Leblanc, J., Nebbia, C. S., Nielsen, E., Ntzani, E., Petersen, A., Sand, S., Vleminckx, C., Wallace, H., Barregård, L., Ceccatelli, S., … Schwerdtle, T. (2020). Risk to human health related to the presence of perfluoroalkyl substances in food. EFSA Journal, 18(9). https://doi.org/10.2903/j.efsa.2020.6223
- EFSAT. (2020a). Outcome of a public consultation on the draft risk assessment of perfluoroalkyl substances in food. EFSA Supporting Publications, 17(9). https://doi.org/10.2903/sp.efsa.2020.EN-1931
- EFSA. (2020b). PFAS dans les aliments : L’EFSA évalue les risques et définit un apport tolérable [Communiqué de Presse]. European Food Safety Agency. https://bit.ly/3lfAIOs
- ILO. (2021). Exposure to hazardous chemicals at work and resulting health impacts : A global review. ILO. https://bit.ly/3wo0YeI
- RIVM. (2021). Video European ban on PFAS. The Dutch National Institute for Public Health and the Environment (RIVM). https://bit.ly/3NiGued
- Simpson, P., Franke, G., Sosnowski, P., & Zeiger, B. (2022a, février 5). ECHA Webinar—Restriction of per- and polyfluoroalkyl substances (PFASs) in firefighting foams. ECHA Webinar – Restriction of per- and polyfluoroalkyl substances (PFASs) in firefighting foams. https://bit.ly/37T59qK
- Simpson, P., Franke, G., Sosnowski, P., & Zeiger, B. (2022b, février 5). ECHA Webinar—Restriction of per- and polyfluoroalkyl substances (PFASs) in firefighting foams. ECHA. https://bit.ly/3NmYyE5
- Stohler, S. (2022). Sen. Gillibrand and Rep. Kildee introduce landmark bill to protect firefighters from toxic PFAS “forever chemicals” used in firefighting foam [Media release]. Safer Chemicals Healthy Families. https://bit.ly/3yCtax6
- Wood, Ramboll, & COWI. (2020). The use of PFAS and fluorine-free alternatives in fire-fighting foams (Final Report Specific Contracts No 07.0203/2018/791749/ENV.B.2 and ECHA/2018/561). European Commission DG Environment / European Chemicals Agency (ECHA). https://bit.ly/3wfNwe2