Obligation de traçabilité de l’exposition des travailleurs aux agents chimiques CMR

Obligations de traçabilité de l’exposition des travailleurs aux agents chimiques cancérogènes, mutagènes ou reprotoxiques (CMR)

Un décret qui marque le retour de l’obligation de traçabilité des expositions professionnelles aux produits CMR

Le 5 avril dernier, la traçabilité des expositions professionnelles aux produits cancérogènes, mutagènes ou reprotoxiques (CMR) a été ré-introduite par décret dans le Code du travail.

Le « Décret n°2024-307 du 4 avril 2024 fixant des valeurs limites d’exposition professionnelle contraignantes pour certains agents chimiques et complétant la traçabilité de l’exposition des travailleurs aux agents chimiques cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction », entrera en vigueur le 5 juillet 2024

Les articles R. 4412-93-1 à R. 4412-93-4 de la sous-section 7 définissent les modalités relatives à la traçabilité et à la communication des informations relatives à l’exposition des travailleurs aux agents chimiques cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction (CMR). Ils fixent de nouvelles valeurs limites d’exposition professionnelle (VLEP) contraignantes (benzène, acrylonitrile et composés du nickel ; qui disposaient auparavant de VLEP indicatives fixées par circulaire) annexées au tableau des VLEP définies au tableau de l’article R4412-149 avec des entrées en vigueur progressivement jusqu’en 2026.

Il résulte de la transposition de substances visées par la directive (UE) n°2022/431 du Parlement Européen et du Conseil de l’Europe (CE) du 9 mars 2022 (pdf) modifiant la directive 2004/37/CE concernant la protection des travailleurs contre les risques liés à l’exposition à des agents cancérigènes ou mutagènes au travail (pdf).

12 ans pour corriger une aberration

L’article de (Weiler, 2024) nous rappelle qu’il aura fallu 12 ans au gouvernement français pour revenir sur la décision de 2012 de supprimer les fiches et attestation d’exposition aux CMR en contradiction avec les obligations de prévention des expositions et de traçabilité de ces produits de la Directive 2004/37/CE du Parlement Européen et du Conseil du 29 avril 2004 (pdf).

Les employeurs ont 3 mois pour se mettre en conformité.

Obligation de fournir la liste des travailleurs susceptibles d’être exposés aux agents chimiques CMR

Les employeurs ont 3 mois pour se mettre en conformité (soit le 5 juillet), pour établir une liste actualisée des travailleurs susceptibles d’être exposés aux agents chimiques CMR sur leurs lieux de travail en tenant compte de l’évaluation des risques transcrite dans le document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP) (Article R4121-1). Cette liste indique, pour chaque travailleur, les substances auxquelles il est susceptible d’être exposé ainsi que, lorsqu’elles sont connues, les informations sur la nature, la durée et le degré de son exposition.

Obligations de communication de la liste d’exposition au CMR

Communication à l’intérieur de l’entreprise

D’ici le 5 juillet, l’employeur doit tenir à disposition des travailleurs les informations de la liste qui les concernent personnellement. Il tient également les informations de cette liste présentées de manière anonyme à la disposition des travailleurs et des membres de la délégation du personnel du Comité Social et Economique (CSE).

Communication à l’extérieur de l’entreprise

L’employeur doit, par ailleurs, communiquer la liste, ainsi que ses actualisations, aux services de prévention et de santé au travail (SPST) (médecine du travail). Les informations qu’elles contiennent sont versées dans le dossier médical en santé au travail et conservées par ces services pendant une période d’au moins quarante ans (au même titre que le DUERP).

Lors de la mise à disposition d’un travailleur temporaire, l’entreprise utilisatrice communique à l’entreprise de travail temporaire les informations de la liste, ainsi que, le cas échéant, leurs actualisations, concernant ce travailleur. L’entreprise de travail temporaire communique ces informations à son service de prévention et de santé au travail (SPST) ou son service de santé au travail en agriculture (MSA), en vue de compléter le dossier médical en santé au travail.

Des obligations qui se heurtent à la réalité des pratiques des TPE-PME et laissent des angles morts

54% des entreprises n’ont pas de DUERP

De nombreuses d’entreprises n’ont pas de document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP) malgré l’obligation légale d’en d’établir (Article R4121-1) qui date pourtant de 1989 et du décret de 2001 et de le mettre à jour tous les ans (Article R4121-2)

En effet selon l’étude (Amira, 2024c) de la DARES, en moyenne en 2019, seuls 46% des établissements disposaient d’un DUERP à jour tous secteurs confondus (46% secteur privé et 51% fonction publique), avec des variations importante en fonction de leur taille et donc des moyens alloués à la prévention des risques SST :

  • 1-10 salariés : 41,1%
  • 11-49 salariés : 69,4%
  • 50-249 salariés : 82,6%
  • Plus de 250 salariés : 91%

2,7 millions de travailleurs sont exposés à au moins un produit chimique cancérogène

Il y a urgence à agir car, sans compter de compliquer le parcours de reconnaissance en maladies professionnelles des victimes durant 12 ans, selon l’étude DARES Focus N°34 (Rosankis & Léonard, 2023) en moyenne en 2017, 11% des salariés français, soit 2,7 millions de personnes, étaient exposés à au moins un produit chimique cancérogène et 2% à au-moins 3 !

Les sous-traitants : les laissés-pour-compte de la prévention

Comme le pointe avec raison l’article de (Weiler, 2024), lorsqu’ils sont bien établis et à jour, les DUERP mentionnent les expositions chimiques et CMR chroniques et quotidiennes des personnels de production, mais laissent de côté les expositions des personnels des sous-traitants de maintenance et de nettoyage avec une sur-représentation d’intérimaires et de personnes en contrat précaires ce qui réduit les possibilités d’assurer la prévention et une traçabilité des risques d’exposition.

Ressources

Code du Travail

DARES

Presse

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A propos de l'auteur

IPRP spécialisé en intervention ergonomique et en AMOA de projets, j'interviens auprès des organisations qui souhaitent concilier conditions de travail et objectifs de performance, transformer les enjeux environnementaux et sociétaux en leviers de développement et de différentiation.

Je suis convaincu que placer les collaborateurs au centre de l'organisation aura un impact transformationnel sur toute l'activité : gagner en productivité sans sacrifier la qualité de vie au travail, préserver le sens et encourager le travail bien fait développera la satisfaction des clients et la croissance des résultats.

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