Avis de la plateforme RSE de France Stratégie sur l’engagement des entreprises pour leurs salariés aidants

Enjeux de l’aidance

La Plateforme RSE de France Stratégie vient de publier mercredi 16 mars 2022 un avis sur « l’Engagement des entreprises pour leurs salariés aidants ». Le sujet n’est pas anodin car le nombre de personnes qui apportent de l’aide à un proche en perte d’autonomie est estimé à 11 millions en France. Compte tenu de l’évolution de la démographie, une part de plus en plus importante de la population est concernée et s’inscrit dans la problématique plus large de la prise en charge du grand âge, du handicap et des vulnérabilités dans notre société. 25% des actifs pourraient ainsi être « proches aidant » en 2030.

Qu’est-ce qu’un aidant familial ?

Un « aidant familial » ou « proche aidant », est une personne qui apporte une aide non-professionnelle régulière à une personne dépendante de son entourage en perte d’autonomie.

Une personne, non-professionnelle venant en aide à une personne dépendante de son entourage, pour les activités de la vie quotidienne. Cette aide peut être prodiguée de façon permanente ou non et peut prendre plusieurs formes : nursing, soins, accompagnement à l’éducation et à la vie sociale, démarches administratives, coordination, vigilance, soutien psychologique, communication, activités domestiques ».
Charte Européenne de l’Aidant Familial (COFACE, 2021)

Statut juridique

Le décret de la LOI n°2015-1776 du 28 décembre 2015 relative à l’adaptation de la société au vieillissement spécifie le statut juridique de l’aidant. Il permet une extension de ses droits et une meilleure prise en compte de la difficulté à concilier activité professionnelle et accompagnement d’un proche dépendant.

Le lien de filiation ou de parenté entre l’aidant et la personne assistée est au cœur de la définition juridique du statut d’aidant familial. Ainsi, le Code de l’Action Sociale et de la Famille considère comme aidant familial comme :

  • La conjointe ou le conjoint ;
  • La concubine ou le concubin ;
  • La personne avec laquelle le bénéficiaire a conclu un pacte civil de solidarité (PACS) ;
  • L’ascendant(e), le/la descendant(e) ou le/la collatéral(e) jusqu’au 4ᵉ degré du bénéficiaire ou de l’autre membre du couple.

Nota bene : Ces personnes doivent apporter une aide humaine et matérielle mais ne pas être salariées par la personne aidée / assistée.

Chiffres clés

Un investissement parfois important qui concerne majoritairement les femmes

La question de l’aidance est culturellement et sociologiquement clivante et repose majoritairement sur les femmes.

  • 2/3 des aidants de personnes âgées dépendantes sont des femmes ;
  • Les femmes représentent 3/4 des aidants qui y consacrent plus de 2 heures par semaine ;
  • Plus de 1/6 des aidants consacrent plus de 20H par semaines pour aider son / ses proche(s).

Des enjeux financiers, personnels, professionnels pour les salariés aidants

Les salariés aidants doivent faire face à de nombreux défis, notamment financiers en raison de la perte de revenu liés à l’aidance amplifiée par les coûts médicaux du proche aidé.

  • Plus de 50% des aidants sont des salariés ;
  • 25% des actifs seront proches aidant en 2030.

Leur investissement se traduit par une charge mentale très importante, amplifiée par une difficile conciliation entre leurs temps de vie professionnelle, personnelle et leur rôle d’aidant au détriment de leur vie privée.

  • 54% des salariés aidants se disent épuisés ;
  • 31% déclarent des baisse de vigilance et d’attention en raison de leur situation ;
  • 49% se disent stressés (10% de plus que les autres salariés).

Ces enjeux pèsent nécessairement sur leur vie professionnelle et leur carrière. Cette situation mal anticipée au sein d’une équipe de travail en entreprise peut créer des déséquilibres et des problèmes de désorganisation, nuire à l’image du salarié auprès de ses collègues et responsables.

  • Absentéisme, congés, désorganisation … Le coût de la mauvaise prise en compte des aidants par les entreprises a été estimée à 1.500€ / an dans les pays anglo-saxons.
  • Les entreprises qui ont mis en place des dispositifs d’accompagnement ont au contraire déclaré un gain de 69% de productivité.

Un statut d’aidant et des dispositifs mal connus

Si les dispositifs sont encore peu connus et que les démarches apparaissent trop complexes ou trop peu accessibles, les aidants se reconnaissent aussi peu comme tels.

  • Le statut d’aidant familial est encore méconnu des Français : seulement 35% de la population en a entendu parler ; 1/3 des aidants n’ont jamais entendu parler de ce statut ; 63% des aidants ignorent qu’ils le sont.
  • 26% seulement des aidants ont informé leur employeur de leur statut ;
  • La méconnaissance de leur rôle d’aidant familial les empêche d’accéder aux droits tels que le « congé proche aidant » et aux aides disponibles. Seules 4500 personnes ont fait une demande auprès de la CAF ou la MSA pour faire appel aux droits à l’AJPA.

Pour rappel, l’AJPA (allocation journalière du proche aidant) est une nouvelle prestation qui peut être versée par la CAF ou la MSA aux personnes qui arrêtent de travailler ponctuellement ou réduisent leur activité pour s’occuper d’un proche en situation de handicap ou de perte d’autonomie d’une particulière gravité.

Infographie des chiffres clés sur les aidants

Infographie des chiffres clés de l’étude

S’inscrire dans une démarche RSE et mobiliser toutes les parties prenantes de l’entreprise pour offrir aux salariés aidants un accompagnement répondant vraiment à leurs besoins

La Plateforme RSE plaide pour que les entreprises prennent conscience que « l’Engagement des entreprises pour leurs salariés aidants » est un enjeu de Responsabilité Sociétale de l’Entreprise (RSE) qui relève tant des thèmes de négociation obligatoire telles que l’égalité femmes-hommes, la non-discrimination, le handicap, la QVT, le bien-être au travail et l’équilibre vie professionnelle / vie personnelle que des questions de performance économique qui ne doivent pas être négligées.

L’étude montre qu’au-delà des aides financières, les aidants demandent une reconnaissance de leur double charge, attende de leur entreprise de la bienveillance et de la flexibilité et la possibilité d’aménager leur temps de travail pour tenir compte de leurs contraintes familiales.

Les salariés aidants peuvent faire valoir en retour des atouts non négligeables pour les entreprises, avec des ressources / compétences spécifiques qui peuvent être valorisées dans le cadre professionnel. Ce sont notamment les soft skills, compétences humaines et comportementales telles que les aptitudes organisationnelles, de prise de responsabilité, de résilience …

Les entreprises doivent donc prendre conscience qu’en accompagnant et garantissent une meilleure situation aux salariés aidants, elles s’assurent aussi de profiter pleinement de leur valeur ajoutée.

Les 24 recommandations de la Plateforme RSE

Recommandations au gouvernement :

  • (1) de porter au niveau européen, à la faveur de la présidence française du Conseil de l’Union européenne, les enjeux des salariés aidants ;
  • (2) de renforcer la communication et la sensibilisation autour de la stratégie nationale « Agir pour les aidants » et sur les dispositifs existants afin d’en faire un sujet davantage connu et reconnu, et de contribuer à lever le tabou qui existe autour de ce sujet, notamment en entreprise, tout en prenant en compte les spécificités pour les TPE et PME ;
  • (3) de mener une évaluation des politiques publiques visant les aidants, et de rendre compte des accords signés en exploitant la base ACCO des accords d’entreprises afin de suivre les avancées du dialogue social en matière d’aide aux salariés aidants ;
  • (4) de permettre le renseignement d’un indicateur portant sur l’accompagnement des salariés aidants sur la plateforme Impact.gouv.fr.
  • (5) de produire des statistiques actualisées et harmonisées sur les différents types d’aidance, sur lesquelles les entreprises peuvent s’appuyer pour réaliser des diagnostics ;
  • (6) de faciliter la vie des salariés aidants, en premier lieu en accompagnant plus efficacement les personnes âgées dépendantes, les personnes en situation de handicap, les patients en sortie d’hospitalisation, et en second lieu en favorisant la conciliation des temps de vie des aidants, en permettant davantage de flexibilité, en améliorant leur accompagnement, en renforçant et en optimisant les dispositifs déjà mis en œuvre par les pouvoirs publics et en veillant à leur accessibilité, en valorisant les initiatives prises par les entreprises dans un cadre contractuel et en participant au financement des structures d’accueil des aidés ;
  • (7) de valoriser les compétences acquises par les salariés aidants en en démontrant la nature, en en évaluant la valeur engendrée pour les entreprises, et en facilitant le recours au Compte personnel de formation (CPF) pour le suivi des formations correspondantes.

Recommandations aux entreprises en matière de sensibilisation et de communication interne :

  • (8) de créer un climat de confiance entre l’employeur et le salarié en sensibilisant à la situation des salariés aidants les directions, les responsables des ressources humaines, les managers de proximité ainsi que les équipes de collaborateurs. L’entreprise pourra relayer en interne les informations publiques nationales sur le sujet. Ainsi, dans le cadre de ses recrutements, y compris pour les contrats d’apprentissage, une attention particulière pourra être réservée par l’entreprise à la présentation de sa politique de soutien aux aidants ;
  • (9) de créer les conditions de l’expression par les salariés des besoins créés par leurs parcours de vie, et de mobiliser les moyens disponibles pour y répondre en faisant intervenir des tiers de confiance (médecine du travail, assistance sociale, associations, groupe de protection sociale, mutuelle, etc.) ;
  • (10) de faire connaître les dispositifs disponibles dans l’entreprise – en application de la loi ou d’un contrat avec un groupe de protection sociale prévoyant un dispositif adapté aux salariés aidants – en assurant leur promotion par une communication interne récurrente, multi-support, visant l’ensemble des salariés.

Recommandations aux entreprises en matière d’accompagnement de leurs salariés aidants :

  • (11) de proposer à leurs salariés un programme de sensibilisation, de soutien et d’accompagnement, s’appuyant le cas échéant sur un réseau de référents dans l’entreprise, dans la mesure du possible par rapport à la taille, à l’activité et à l’organisation de l’entreprise ;
  • (12) de soutenir les initiatives de leurs parties prenantes (salariés, associations partenaires, acteurs du territoire, etc.) en faveur des salariés aidants, en contribuant à leur promotion et à leur mise en œuvre ;
  • (13) de permettre une flexibilité dans l’organisation du travail et du temps de leurs salariés aidants afin de concilier au mieux leurs différents temps de vie, en proposant, dans la mesure du possible par rapport à la taille, à l’activité et à l’organisation de l’entreprise, le recours aux droits spécifiques liés à la qualité de salarié aidant, et en s’assurant que l’application de ces mesures soit volontaire, temporaire, et réévaluée régulièrement ;
  • (14) d’évaluer les dispositifs mis en œuvre et leur adéquation avec les besoins de leurs salariés aidants, afin de les réadapter s’ils sont peu utilisés ou jugés non pertinents ;
  • (15) d’être attentives, dans le cadre de leur contractualisation avec un prestataire, à la sensibilisation et à la formation de la médecine du travail et des services d’assistance sociale à la problématique des salariés aidants, afin qu’un diagnostic puisse être proposé aux salariés s’identifiant volontairement auprès d’elles comme proche aidant, et qu’une orientation adéquate vers des solutions d’accompagnement en résulte
  • (16) de valoriser les compétences acquises par le salarié dans son rôle d’aidant, en lui permettant d’en faire le bilan et en lui offrant l’opportunité de les valoriser dans sa vie professionnelle.

Recommandations aux entreprises en matière de reporting extra-financier et de valorisation :

  • (17) de rendre compte des actions mises en œuvre en faveur de leurs salariés aidants en utilisant les indicateurs les plus pertinents, dans leur déclaration de performance extra-financière lorsqu’elles en publient une, dans leur stratégie de contribution aux objectifs de développement durable lorsqu’elles en déploient une, et sur la plateforme Impact.gouv.fr lorsqu’elles y contribuent ;
  • (18) de faire connaître à toutes leurs parties prenantes les mesures prises en faveur de leurs salariés aidants, afin que celles-ci soient prises en compte dans l’évaluation de leur performance sociale, et qu’elles soient examinées par les acteurs susceptibles de valoriser les entreprises les plus engagées (label Cap’Handéo « Entreprise engagée auprès de ses salariés aidants » ; Prix « Entreprise & Salariés aidants », etc.).

Recommandations aux partenaires sociaux :

  • (19) d’engager un dialogue sur la prise en compte des besoins des salariés aidants, en s’appuyant sur les différents points d’entrée ouverts dans le cadre des négociations obligatoires et paritaires existantes au niveau des branches (QVT, organisation du travail, égalité professionnelle, handicap, etc.) ;
  • (20) de développer des outils et guides d’accompagnement pour les aider à identifier les enjeux et à les intégrer dans leurs démarches RSE ;
  • (21) de sensibiliser leurs adhérents sur ce sujet majeur en l’intégrant dans leurs formations et dans leurs campagnes de mobilisation ;
  • (22) d’examiner, dans le cadre des négociations obligatoires existantes, les moyens de faciliter la prise de congés par les salariés aidants.

Recommandations aux fédérations professionnelles :

  • (23) d’examiner la pertinence d’une intégration dans les référentiels de leurs labels sectoriels RSE des critères quantitatifs portant sur les actions mises en œuvre en faveur des salariés aidants, quand l’entreprise a mis en place des actions spécifiques ;
  • (24) de développer des outils et guides d’accompagnement pour aider les entreprises à identifier les enjeux et à les intégrer dans leurs démarches RSE.

Ressources

  • CAF. (2021). L’allocation journalière du proche aidant (Ajpa) [Page Web]. Caf.fr. https://bit.ly/359670v
  • COFACE. (2021). Charte Européenne de l’aidant familial. Confédération des organisations familiales de l’Union européenne. https://bit.ly/3Ddid5C
  • Direction de l’information légale et administrative (Premier ministre). (2022). Congé de proche aidant [Page Web]. Service Public. https://bit.ly/3wymBe5
  • France Stratégie. (2022a). Engagement des entreprises pour leurs salariés aidants [Page Web]. France Stratégie. https://bit.ly/3qv4GRK
  • France Stratégie. (2022b). Engagement des entreprises pour leurs salariés aidants [Avis de la plateforme RSE]. France Stratégie. https://bit.ly/3umNcrP
  • LOI n°2015-1776 du 28 décembre 2015 relative à l’adaptation de la société au vieillissement, 2015‑1776 Code de l’action sociale et des familles (2015). https://bit.ly/3NhtRRo
  • MSA. (2022). L’allocation journalière de proche aidant (AJPA) [Page Web]. MSA. https://bit.ly/3D8YRyr

A propos de l'auteur

IPRP spécialisé en intervention ergonomique et en AMOA de projets, j'interviens auprès des organisations qui souhaitent concilier conditions de travail et objectifs de performance, transformer les enjeux environnementaux et sociétaux en leviers de développement et de différentiation.

Je suis convaincu que placer les collaborateurs au centre de l'organisation aura un impact transformationnel sur toute l'activité : gagner en productivité sans sacrifier la qualité de vie au travail, préserver le sens et encourager le travail bien fait développera la satisfaction des clients et la croissance des résultats.

Travaillons ensemble à libérer tout le potentiel de vos collaborateurs. Faisons de la démarche ergonomique votre outil de transformation du travail.

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