INSEE et DARES font le point sur l’égalité entre les femmes et les hommes en France : une invitation à amplifier les démarches de QVT / QVCT

L’INSEE vient de faire paraître le 3 mars 2022 un nouvel opus de sa collection « INSEE Références » intitulé « Femmes et hommes, l’égalité en question Édition 2022 » auquel la DARES a contribué. Il fait suite à celui de 2017 (INSEE, 2017) et fait le point sur l’égalité entre les femmes et les hommes aujourd’hui en France.

Plus diplômées que les hommes, les femmes ne représentent cependant que 43% des emplois de cadres et des professions intellectuelles supérieures en 2020 (deux fois plus qu’en 1980).

Alors que le taux d’activité des hommes est plutôt stable depuis le début des années 1990, celui des femmes augmente régulièrement depuis le milieu des années 1970 : en 2020, 68% des femmes et 75% des hommes participent au marché du travail, parmi les 15‑64 ans.

Les femmes ont moins souvent accès aux postes les mieux payés et travaillent dans des entreprises et secteurs d’activité moins rémunérateurs. En 2019, le revenu salarial des femmes reste inférieur en moyenne de 22% à celui des hommes (contre 28% en 2000); un chiffre qui reste largement au-dessus des 13,4% en moyenne pour l’UE27 selon le rapport d’Eurofound « Vivre et travailler en Europe 2021″ (Eurofound & Burke, 2022). L’INSEE explique cet écart par des différences de durée de travail pour moins d’un tiers ; les 2/3 restants par des emplois, postes ou secteurs différents.

Les femmes sont toujours plus nombreuses que les hommes à interrompre leur activité ou à réduire leur temps de travail, pour concilier vie privée et vie professionnelle, à l’arrivée des enfants : en 2020, celles qui travaillent sont trois fois plus souvent à temps partiel que les hommes (cinq fois plus en 2008).

Des disparités dans les conditions de travail et les expositions aux risques professionnels

Exposition aux risques professionnels : des différences selon les métiers mixtes, féminisés ou masculinisés 

(Briard, 2022) s’interroge sur le rôle des normes de genre dans les risques auxquels sont exposés les femmes et les hommes dans leur travail, y compris dans leur appréhension.

En effet, les femmes et les hommes salariés ne sont pas confrontés aux mêmes conditions de travail. Leurs expositions aux risques professionnels diffèrent selon que les métiers sont mixtes, féminisés ou masculinisés, ainsi qu’au sein des métiers eux-mêmes.

Les hommes, qui sont davantage présents dans les métiers les plus soumis à la pénibilité physique, sont plus exposés aux sollicitations physiques comme de porter des charges lourdes ou travailler dans un environnement agressif.

Les femmes sont plus exposées aux risques psychosociaux (RPS). Elles exercent plus souvent des métiers de service et dans le médico‑social, médical et le social, qui les exposent à des contraintes d’organisation du temps de travail, à une charge mentale importante (penser à trop de choses à la fois, devoir cacher leurs émotions, etc.), à des exigences émotionnelles ou encore à une faible latitude décisionnelle. Dans les activités industrielles notamment, elles subissent plus souvent une pression temporelle, les obligeant à se dépêcher ou à exécuter des gestes répétitifs et disposent de moins d’autonomie dans l’organisation de leur travail.

Par ailleurs, elles sont plus souvent confrontées que les hommes aux risques multifactoriels (travail intense, conflits de valeur, instabilité du poste, manque d’autonomie et de reconnaissance …) dans les métiers mixtes mais aussi dans ceux féminisés de service et les métiers masculinisés ouvriers, où les risques professionnels sont les plus élevés.

Une dégradation des conditions de travail plus importante pour les femmes durant la crise sanitaire. 

L’étude (Erb, 2022) de la DARES met en exergue une dégradation des conditions de travail plus importante pour les femmes durant la crise sanitaire.

Selon l’enquête Tracov de la DARES (Beatriz et al., 2021) sur le vécu du travail et du chômage pendant la crise sanitaire, qui a été conduite durant le premier trimestre 2021 auprès de personnes qui travaillent hors activité partielle et fermeture administrative, 45% des femmes contre 38% des hommes ont déclaré avoir vécu au premier trimestre 2021 une intensification du travail ou une dégradation générale de leurs conditions de travail par rapport à leur situation avant la crise sanitaire.

La différence de perception entre les genres s’expliquent par plusieurs facteurs :

• En partie, par le fait que les femmes n’occupent pas les mêmes métiers ni les mêmes fonctions que les hommes ; comme nous l’avons vu précédemment.

• Les familles professionnelles les plus féminisées sont celles où le travail s’est le plus souvent intensifié ou dégradé : métiers de la santé, de l’enseignement ou de l’action sociale (Amossé et al., 2021).

• Parmi les dix métiers dont les conditions de travail ont été les plus affectées par la crise sanitaire, 7 sont à prédominance féminine. Y figurent des professions caractérisées par une forte hausse des exigences émotionnelles et un accroissement de l’intensité du travail : les métiers du soin (infirmiers, sages‑femmes ; médecins et assimilés ; professionnels de l’action sociale) et d’autres métiers de services publics où la proportion de femmes est élevée ou dominante (enseignement, secteur social et culturel). L’intensification du travail des métiers de la banque (cadres, techniciens, employés) est notamment expliquée par un manque d’adaptation des objectifs chiffrés au contexte de la crise sanitaire.

• Dans les métiers à prédominance masculine pour certains affectés par une baisse de l’activité en 2020 comme l’industrie (matériaux souples, bois ; mécanique) ou les professions du bâtiment (Gouyon et al., 2021), les répondants ont déclaré avoir subi moins souvent d’intensification ou de dégradation de leurs conditions de travail que celles exerçant des métiers à prédominance féminine ou mixtes.

• Le sentiment d’insécurité professionnelle a également progressé dans les métiers féminisés, mais dans une moindre mesure que parmi les métiers mixtes ou à prédominance masculine.

L’égalité Femmes-Hommes : une composante clé de la politique de Qualité de Vie et Conditions de Travail de l’entreprise (QVT / QVCT)

Alors que de nombreuses entreprises ont du mal à fidéliser leur personnel, rencontrent des difficultés à recruter dans des secteurs d’activité en tension ou souhaiteraient féminiser davantage leurs effectifs pour intégrer de nouvelles compétences (notamment dans les domaines techniques), réduire les inégalités femmes-hommes au travail ne relève pas seulement d’une question éthique de justice sociale ou d’une obligation légale (cf. l’obligation de publier un index d’égalité professionnelle) mais d’un enjeu de performance globale de l’entreprise.

Analyser la politique d’égalité Femmes-Hommes au sein de l’entreprise est l’occasion de (re)passer en revue les 6 dimensions de la QVCT/QVCT proposé par l’ANACT (et pas seulement la question de « l’égalité professionnelle pour tous ») en plaçant les collaboratrices et collaborateurs au cœur des projets et en les associant à l’amélioration de leurs conditions de travail par l’analyse du travail réel et la construction et l’enrichissement de leur parcours professionnel.

Ainsi, s’intéresser aux relations de travail et au climat social au filtre de l’égalité Femmes-Hommes permet notamment d’aborder :

• la préservation de relations au travail saines et constructive, le développement du dialogue social, d’être vigilant et mettre en œuvre les actions pertinentes pour lutter contre les problèmes d’intimidation et de harcèlement moral, de sexisme et de harcèlement sexuel au sein des équipes et de l’encadrement ;
• le contenu du travail : lui donner davantage de sens, prendre en compte les exigences émotionnelles, l’accroissement de l’intensité du travail et développer les marges de manœuvres pour tenir compte des variabilités ; mieux organiser et anticiper une pratique égalitaire du télétravail ;
• la santé au travail : ne pas seulement aborder la prévention dans une approche genrée basée sur les répartition actuelle des postes mais faire en sorte de développer la mixité, mieux gérer l’intégration et prévenir les risques auxquels sont exposées les personnes LGBTI et prendre en compte le vieillissement au travail et par le travail quel que soit le genre des individus ;
• sortir des stéréotypes des métiers typés à dominante masculine / féminine pour ouvrir de nouvelles opportunités de mixité et de progression et de formation ;
• Reconnaître la contribution de tou(te)s au travers d’une réelle politique d’égalité professionnelle pour tous, pas uniquement sous l’angle salariale mais aussi sur les possibilités d’évolution de carrière ;
• Encourager l’engagement et agir sur les leviers de la motivation par la reconnaissance des contributions individuelles et collectives, renforcer l’image de soi, veiller à entretenir la participation de tou(te)s à l’élaboration des projets et prises de décisions, la délégation par l’encadrement de proximité.

Ressources

• Amossé, T., Béatriz, M., Erhel, C., Koubi, M., & Mauroux, A. (2021a). Quelles sont les conditions de travail des métiers de la « deuxième ligne » de la crise Covid ? (N^o 169; Connaissance de l’emploi). CNAM, DARES. https://bit.ly/38Bp65T
• Amossé, T., Béatriz, M., Erhel, C., Koubi, M., & Mauroux, A. (2021b). Quelles sont les conditions de travail des métiers de la « deuxième ligne » de la crise Covid ? (DARES Analyses N^o 23). DARES. https://bit.ly/3lyE6nH
• Beatriz, M., Bèque, M., Coutrot, T., Duval, M., Erb, L.-A., Inan, C., Mauroux, A., & Rosankis, É. (2021). Quelles conséquences de la crise sanitaire sur les conditions de travail et les risques psycho sociaux ? (DARES Analyses N^o 28). DARES. https://bit.ly/3MFDSqH
• Briard, K. (2022a ). Métiers « de femmes », métiers « d’hommes » : En quoi les conditions de travail des femmes et des hommes diffèrent-elles ? [Publication]. DARES. https://bit.ly/3lufRXM
• Briard, K. (2022b). Métiers « de femmes », métiers « d’hommes » : En quoi les conditions de travail des femmes et des hommes diffèrent-elles ? In Femmes et hommes, l’égalité en question (p. 58‑70). INSEE. https://bit.ly/38IDEjR
• Briard, K. (2022c). Métiers « de femmes », métiers « d’hommes » : En quoi les conditions de travail des femmes et des hommes diffèrent-elles ? Données [XLSX]. DARES, INSEE. https://bit.ly/3lxWvkI
• Erb, L.-A. (2022a). Conditions de travail durant la crise sanitaire : Une dégradation plus importante pour les femmes − Femmes et hommes, l’égalité en question [Dossier Web]. INSEE. https://bit.ly/39EWlVS
• Erb, L.-A. (2022b). Conditions de travail durant la crise sanitaire : Une dégradation plus importante pour les femmes − Femmes et hommes, l’égalité en question. In Femmes et hommes, l’égalité en question (p. 6‑7). INSEE. https://bit.ly/3luWCgD
• Erb, L.-A. (2022c). Conditions de travail durant la crise sanitaire : Une dégradation plus importante pour les femmes − Femmes et hommes, l’égalité en question—Données [XLSX]. DARES, INSEE. https://bit.ly/3luWCgD
• Eurofound, & Burke, H. (2022). Living and working in Europe 2021 (2021 Yearbook). Publications Office of the European Union. https://bit.ly/3wDhoB7
• Gouyon, M., Malard, L., & Monin, R. (2021). Activité et conditions d’emploi de la main‑d’œuvre pendant la crise sanitaire Covid‑19 en décembre 2020. DARES. https://bit.ly/3lDX8ZK
• INSEE. (2017). Femmes et hommes, l’égalité en question [INSEE Références]. INSEE. https://bit.ly/3lD5GAq
• INSEE. (2022a). Femmes et hommes, l’égalité en question [INSEE Références]. INSEE. https://bit.ly/3NwtF06
• INSEE. (2022b). Femmes et Hommes : Une lente décrue des inégalités − Femmes et hommes, l’égalité en question [Infographie]. https://bit.ly/3sPFQwY
• INSEE. (2022c ). Métiers « de femmes », métiers « d’hommes » : En quoi les conditions de travail des femmes et des hommes diffèrent-elles ? − Femmes et hommes, l’égalité en question [Dossier Web]. INSEE. https://bit.ly/3sKMapq
• LOI n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, No. 2018‑771, Code du Travail (2018). https://bit.ly/3wCkmWv
• Ministère du Travail. (2019). Index égalité professionnelle Femmes-Hommes | calcul questions-réponses [Dossier Web]. Ministère du Travail, du plein emploi et de l’insertion. https://bit.ly/3NwikwR
• Roussel, P. (2022a). Femmes et Hommes : Une lente décrue des inégalités. In Femmes et hommes, l’égalité en question (p. 9‑34). INSEE. https://bit.ly/3sR7lGx
• Roussel, P. (2022b). Femmes et Hommes : Une lente décrue des inégalités [XLSX]. INSEE. https://bit.ly/3sR7E49
• Roussel, P. (2022c ). Femmes et Hommes : Une lente décrue des inégalités − Femmes et hommes, l’égalité en question [Dossier Web]. INSEE. https://bit.ly/3sR7lGx

Pour en savoir plus sur les enjeux de la mixité au travail

• Avril C., Marichalar P., « Quand la pénibilité du travail s’invite à la maison. Perspectives féministes en santé au travail », Travail et Emploi n° 147, Dares, 2016.
• Bercot R., « La santé des femmes au travail en France », Revue multidisciplinaire sur l’emploi, le syndicalisme et le travail n° 6, 2011.
• Bouffartigue P., Pendariès J.-R., Bouteiller J., « La perception des liens travail/santé. Le rôle des normes de genre et de profession », Revue française de sociologie n° 51, 2010.
• Briard K., « Temps partiel et ségrégation professionnelle femmes-hommes : une affaire individuelle ou de contexte professionnel ? », Travail et Emploi n° 161, Dares, mars 2021.
• Fortino S., « Mixité au travail, genre et conditions de travail : la construction sociale d’un processus », Études et documents, « Genre et conditions de travail », Anact, 2009.
• Gollac, M., & Volkoff, S. (2006). La santé au travail et ses masques. Actes de la recherche en sciences sociales, 163(3), 4‑17. Cairn.info. https://doi.org/10.3917/arss.163.0004
• Guignon N., « Risques professionnels : les femmes sont-elles à l’abri ? », in Femmes et hommes – Regards sur la parité, coll. « Insee Références », édition 2008.
• Loriol M., « Stress et régulation collective des difficultés : une analyse par le genre des métiers », Le genre du mal-être au travail, R. Bercot (coordinatrice), Octarès éditions, 2015.
• Messing K., « Genre, sexe et exigences physiques des emplois. Faut-il choisir entre égalité et santé ? », Raison présente n° 190, 2014.
• Rivalin R., Sandret N., « L’exposition des salariés aux facteurs de pénibilité dans le travail », Dares Analyses n° 095, 2014.
• Soares A., « (In)Visibles : genre, émotions et violences au travail », Revue multidisciplinaire sur l’emploi, le syndicalisme et le travail n° 2, vol. 6, 2011.

En savoir plus sur les enjeux de Qualité de Vie et Conditions de Travail (QVT / QVCT)

• Qualité de vie au travail (QVT) et performance dans l’entreprise
• La QVCT un levier d’action pour renforcer la motivation et la performance
• Quand et comment conduire une démarche QVT ?
• Eléments pour une feuille de route vers la QVT
• Accompagnement dans la démarche QVT / QVCT
• Vous faire accompagner dans votre démarche QVT
• Charte du dispositif ReflexQVT de l’ANACT

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